Retour sur la saga de 115 ans de Renault en sport automobile

115 ans de succès

Par Franck Drui

26 février 2017 - 15:57
Retour sur la saga de 115 ans de (...)

Renault a depuis longtemps compris la valeur ajoutée du sport pour un constructeur automobile.

La première victoire majeure de Renault arrive dès 1902, avec le triomphe de Marcel Renault sur le Paris-Vienne. Trois légères Type K et quatre voiturettes sont engagées par la marque face à de puissants adversaires, dont la Mercedes du Comte Zborowski et la Panhard d’Henry Farman. L’itinéraire emprunte des voies escarpées et sinueuses ainsi qu’un terrible passage alpin. Le succès de Marcel Renault à une vitesse moyenne de 62,5 km/h marque la naissance d’un compétiteur très sérieux dans toutes les disciplines du sport automobile.

En 1906, Renault s’inscrit au tout premier Grand Prix de l’histoire, organisé sur les routes des alentours du Mans. Avec la Type AK, dotée d’un châssis léger et d’un moteur quatre cylindres 12,9 litres, le Hongrois Ferenc Szisz s’impose au terme de plus de 12 heures de course, dans une chaleur étouffante et sur une piste ayant presque fondu. Cette victoire contribuera à augmenter les ventes de la marque française pendant plusieurs années.

Les années folles et la conquête de records

Dans les années 20 et 30, Renault se concentre sur les records de vitesse et développe la spectaculaire Renault 40CV Type NM des Records en 1926. Équipée d’un moteur 9,0 litres, d’une seule place, d’une carrosserie coupé aérodynamique et de roues apparentes, elle boucle 24 heures à la moyenne de 173 km/h. Un chiffre impressionnant pour un véhicule issu de la production d’alors.

Dans les années 1930, Renault produit la gamme Nerva tout en poursuivant sa quête de records sur les routes d’Europe et d’Afrique. Avec ses courbes inspirées de l’aviation et son 8 cylindres en ligne, la Nervasport manque pour deux dixièmes de seconde la victoire au Rallye Monte-Carlo 1932. Elle s’impose néanmoins au Rallye Monte-Carlo et à Liège-Rome-Liège en 1935 avant de finir deuxième – derrière Bugatti – du Rallye du Maroc 1935.

Sur l’anneau de Montlhéry, la voiture se montre encore plus efficace. En avril 1934, une Nervasport spécialement préparée pour l’occasion s’offre plusieurs records d’endurance dans toutes les catégories. Elle parcourt plus de 8 000 km en 48 heures, à une moyenne de plus de 160 km/h et une vitesse de pointe dépassant les 200 km/h. Sa carrosserie dynamique influencera le dessin des futures Renault.

L’Étoile Filante des années 1950

Dans les années 50, Renault retrouve son esprit pionnier en visant de nouveaux records. Conçue après deux années d’essais en soufflerie, l’Étoile Filante pose ses roues sur les lacs salés de Bonneville (Utah, États-Unis) en septembre 1956. Paré d’une superbe livrée bleue, ce véhicule hors norme dispose d’un châssis tubulaire et deux grandes dérives proches de celles d’un avion. Sous l’habillage de polyester se cache une turbine ultra puissante développant 270 ch à 28 000 tr/min et une transmission Transfluide. Clin d’œil à l’aéronautique, l’ensemble est alimenté au kérosène et exempt de vibrations grâce à la rotation de la turbine. Dès ses premiers tours de roue, son concepteur Jean Hébert établit un nouveau record de vitesse à 308,85 km/h. Un exploit toujours invaincu !

Dans la foulée, Renault triomphe en rallye. Le Losange engage l’innovante Dauphine à moteur arrière sur de nombreuses épreuves. Elle monopolise les quatre premières places des Mille Miglia et remporte le Tour de Corse 1956 avant de s’imposer sur le légendaire Rallye Monte-Carlo deux ans plus tard.

Les débuts avec Gordini

Créateur des voitures de course éponymes, Amédée Gordini développe une version radicale de la Dauphine à la fin des années 50. L’association Renault-Gordini se révèle fructueuse et mène à la création des légendaires R8, R12 et R17 Gordini. La R8 Gordini brille notamment en rallye, en course de côte et sur les circuits. En 1966, son immense popularité conduit la marque à lancer la Coupe Renault 8 Gordini, pionnière des formules de promotion. En 1971, le moteur de la Renault 12 Gordini est utilisé dans les monoplaces du premier Championnat de France de Formule Renault. De nombreux champions en herbe y effectueront leur formation, à l’image de Jacques Laffite, Jean Ragnotti, Alain Prost, Sebastian Vettel, Kimi Räikkönen et Lewis Hamilton.

Rapidement, les bâtiments de Gordini à Paris s’avèrent exiguës pour les ambitions sportives de la marque. Le site retenu pour les nouvelles installations se situe à Viry-Châtillon. L’usine est inaugurée le 6 février 1969 et devient le tremplin des succès futurs.

Renault se concentre dans un premier temps sur un moteur V6 2,0 litres, officiellement dévoilé en janvier 1973. Le bloc se révèle vite compétitif dans le prestigieux Championnat d’Europe des Voitures de Sport 2,0 litres. Renault rejoint ensuite le Championnat du Monde FIA des Voitures de Sport et une version turbocompressée du moteur voit le jour.

Renault Sport est fondé en 1976 et un programme en monoplace est lancé parallèlement cette même année. Première étape : le Championnat d’Europe de Formule 2 avec le V6.

Victoire au Mans et débuts en F1

Les Renault à moteur turbo se montrent diablement rapides en Championnat du Monde FIA des Voitures de Sport, avec de belles séries de pole positions et de meilleurs tours en course. Tous les ingrédients sont réunis en 1978 lorsque Didier Pironi et Jean-Pierre Jaussaud remportent une victoire historique aux 24 Heures du Mans, tandis qu’une deuxième Renault boucle l’épreuve au pied du podium. Après ce succès retentissant dans la Sarthe, Renault peut désormais se concentrer sur la prochaine étape : la Formule 1.

Depuis des années, l’utilisation d’un moteur turbo est autorisée par le règlement technique de la discipline, mais personne n’a encore osé franchir le pas. Personne avant Renault. Dès 1976, le constructeur français lance discrètement des essais en piste avec une version 1,5 litre de son V6. Plusieurs courses sont programmées pour la saison suivante.

Propulsée par son V6 turbo, la RS01 débute lors du Grand Prix de Grande-Bretagne 1977. Confiée à Jean-Pierre Jabouille, la « théière jaune » ne voit certes pas le drapeau à damier, mais elle marque les esprits. Quatre autres Grands Prix suivent en fin d’année, permettant à Renault d’engranger une précieuse expérience. L’apprentissage se poursuit tout au long de la saison 1978, jusqu’à ce que Jabouille inscrive les premiers points de Renault en F1 — les premiers pour un moteur turbo — en prenant la quatrième place du Grand Prix des États-Unis. Le passage au double turbo lors du Grand Prix de Monaco 1979 représente un progrès tangible. L’équipe surmonte enfin les problèmes de temps de réponse et Jabouille décroche une première victoire historique à domicile après s’être élancé de la pole position à Dijon.

Succès en rallye

En parallèle, Renault poursuit en rallye. La marque remporte le titre Constructeurs du Championnat du Monde des Rallyes 1973. En 1977, Guy Fréquelin est sacré Champion de France des Rallyes avec l’Alpine A310 Groupe 5. La Renault 5 Alpine est tout aussi populaire grâce à Jean Ragnotti, deuxième du Rallye Monte-Carlo 1978 puis vainqueur de l’épreuve en 1981 et du Tour de Corse 1985 avec la Renault 5 Turbo.

Renault s’aventure également en rallye-raid avec le Paris-Dakar. Engagée à titre privé, la Renault 20 des frères Marreau s’impose lors de l’édition 1982 du célèbre safari africain.

Côté Formule 1, l’investissement de Renault commence à payer. En 1983, Renault se classe deuxième du Championnat du Monde avec Alain Prost, vainqueur de quatre Grands Prix mais qui termine la saison deux points derrière Nelson Piquet et ses trois succès. La même année, Renault devient pour la première fois motoriste d’une seconde écurie en s’associant avec Lotus. D’autres fournitures sont ensuite conclues avec Ligier et Tyrrell. Au Grand Prix du Portugal 1985, Ayrton Senna remporte sa première victoire en F1 avec un V6 Renault. Cette saison-là, le Brésilien s’affirme comme l’une des révélations de la discipline.

À la fin de l’année 1985, l’équipe d’usine cesse ses activités pour se concentrer sur son rôle de motoriste. En 1986, le trio Senna-Lotus-Renault se montre le plus rapide de la grille, le Brésilien décrochant huit pole positions.

F1, l’appel de la victoire

Renault retrouve officiellement la Formule 1 à la fin des années 1980, cette fois à la faveur d’un partenariat avec Williams. Dès sa première campagne, la nouvelle association débouche sur deux victoires en Grands Prix, suivies de deux autres en 1990. Nigel Mansell, qui connaît les moteurs Renault depuis son passage chez Lotus, rejoint l’équipe en fin d’année.

Commence alors une extraordinaire période de succès. À la fin de l’année 1991, Williams-Renault est déjà le duo à battre. En 1992, Mansell écrase la saison et offre son premier titre mondial à Renault dès le mois d’août.

Ancien pilote Renault, Alain Prost rejoint Williams en 1993. Lui aussi décroche la couronne avant de prendre sa retraite. D’autres sacres suivront, en 1996 avec Damon Hill, puis en 1997 avec Jacques Villeneuve. Williams-Renault est également sacrée chez les Constructeurs en 1992, 1993, 1994, 1996 et 1997.

En 1995, Renault renforce son implication en nouant un nouveau partenariat avec l’écurie Benetton. Michael Schumacher obtient le titre chez les Pilotes, tandis que Benetton s’impose chez les Constructeurs. Avec ses deux équipes clientes, Renault coiffe six couronnes mondiales d’affilée entre 1992 et 1997. Entre 1995 et 1997, la marque au losange remporte 74% des courses disputées.

Renault quitte officiellement la discipline à la fin de la saison 1997. Williams, Benetton, et plus tard la nouvelle écurie BAR, utiliseront des moteurs d’origine Renault badgés Supertec, Mecachrome et Playlife. À Viry-Châtillon, une cellule de développement continue à plancher sur un futur programme F1.

En parallèle, Renault brille en rallye tout au long d’une décennie notamment marquée par la victoire d’une Maxi Mégane au Tour de Corse 1997.

Un retour en F1

Une fois de plus, l’absence officielle de Renault sur les grilles de départ est de courte durée. Début 2001, le Losange annonce le rachat de l’écurie Benetton pour revenir en tant que constructeur à part entière. Renault fournit cette saison-là des moteurs à Enstone avant que la structure ne renaisse sous le nom de Renault F1 Team l’année suivante. Le site châssis reste basé au Royaume-Uni et travaille en étroite collaboration avec le département moteurs de Viry-Châtillon.

En 2003, Fernando Alonso décroche en Malaisie la première pole position de l’équipe. Le jeune Espagnol fait encore mieux en Hongrie où il signe le premier succès de Renault F1 Team. L’année suivante, Jarno Trulli offre la victoire à Renault lors du rendez-vous le plus prestigieux de l’année : le Grand Prix de Monaco.

En 2005, Alonso est l’homme à battre : il devient champion du monde Pilotes tandis que Renault s’impose chez les Constructeurs avec huit victoires pour l’Espagnol et son équipier Giancarlo Fisichella.

Malgré l’important tournant technologique que représente le passage du V10 au V8, Renault poursuit sur sa lancée en 2006. Avec huit succès, Renault lutte face à Ferrari dans la conquête des titres, mais la capacité d’innovation de la marque française l’emporte encore avec un nouveau doublé.

Rompu à l’exercice de fournir plusieurs équipes, Renault signe un partenariat moteur avec Red Bull Racing en 2007. Les monoplaces bleues ne tardent pas à se révéler performantes. En 2010, Vettel sort finalement vainqueur et devient le plus jeune champion du monde de l’histoire de la discipline. L’écurie Red Bull-Renault remporte le titre Constructeurs.

Tandis que Renault recentre son activité sur la fourniture de moteurs, Sebastian Vettel est intouchable au Championnat du Monde, battant tous les records pour décrocher quatre sacres consécutifs jusqu’à 2013.

Aux côtés de Red Bull Racing, Renault fournit Lotus F1 Team, Caterham F1 Team et Williams F1 Team. Tout au long de la période V8, le bloc conçu et développé par les 250 ingénieurs de Viry-Châtillon n’a cessé de dominer en remportant plus de 40% des courses disputées et un nombre record de pole positions.

En dehors de la F1, Renault Sport Technologies poursuit le développement de sa gamme de championnats monotypes avec la Formule Renault 2000 et la Clio Cup. En rallye, la Clio Super 1600 s’impose rapidement avec plusieurs titres internationaux entre 2003 et 2005.

En 2005, la fusion entre l’Eurocup Formula Renault V6 et les World Series by Nissan mène à la création des World Series by Renault. Évènements accessibles gratuitement pour le public, les World Series by Renault ont mêlé onze ans durant compétitions de haut niveau, démonstrations de F1 et animations à destination de toute la famille. L’évènement permet notamment à de nombreuses stars de la F1 de percer dans le monde du sport automobile.

Le début d’une nouvelle aventure

En 2014, la Formule 1 effectue une véritable mue avec l’introduction d’une technologie moteur d’avant-garde. Le nouveau groupe propulseur de Renault en F1 combine l’architecture de l’ancienne génération de moteurs suralimentés, de puissants moteurs électriques et d’une batterie de systèmes de récupération d’énergie sophistiqués pour réduire la consommation de 40% tout en offrant un dynamisme et des performances similaires.

Renault continue de fournir Red Bull Racing, l’écurie sœur Scuderia Toro Rosso ainsi que Lotus F1 Team, mais la bataille est rude. Après un examen complet de sa stratégie, Renault annonce fin 2015 son retour en tant que constructeur à part entière.

En 2016, Renault retrouve la F1 en tant que constructeur officiel sous l’étendard Renault Sport Formula One Team, dans le cadre d’un engagement minimal de neuf ans et dans le but de revenir une fois de plus sur la plus haute marche du podium et de jouer les titres mondiaux.

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