Spectacle en F1 : les deux présupposés douteux du règlement de 2017

Confondre performance et attaque maximum avec spectacle en course

Par Alexandre C.

14 août 2016 - 08:47
Spectacle en F1 : les deux présupposés

L’an prochain, c’est entendu, la Formule 1 se dirige vers un grand changement réglementaire. Les voitures auront des pneus plus larges, une aérodynamique plus efficace, en somme, leur look sera plus agressif, plus extrême. Les performances générales devraient suivre : l’objectif est d’améliorer les temps au tour de 5 secondes, pas moins. De ce fait, les monoplaces seraient plus éprouvantes à conduire. Dans le même temps, l’on chercherait à faciliter les dépassements en piste. Plus virile, plus spectaculaire, la F1 serait ainsi plus respectée, plus divertissante, et le déclin du nombre de téléspectateurs serait stoppé. L’intention est louable. Mais n’est-elle pas fondée sur de mauvais présupposés ?

La performance pure peut ne pas rimer avec le divertissement

Il semble en effet exister une confusion entre spectacle et vélocité. Rendre les F1 plus rapides, plus difficiles à conduire, n’améliorera pas en soi le spectacle le dimanche après-midi pour le téléspectateur. Que lui importe qu’une voiture tourne en 1’31 ou en 1’36 ? Comme le rappelait Pat Symonds, le directeur technique de Williams, en février dernier, "personne ne peut voir la différence en essais libres entre une voiture avec le réservoir plein et une qui est sur un rythme de qualification, il y a quatre secondes d’écart au tour et ça ne se voit pas à moins d’avoir les yeux rivés sur les écrans de contrôle".

Ce n’est pas la vitesse sur un tour d’une monoplace qui fait en soi le spectacle. Si toutes les monoplaces tournaient en 1’38 sur un tour au lieu de 1’30, mais s’il y avait une vraie compétition pour la victoire entre plusieurs voitures dans le premier cas, alors la préférence du téléspectateur serait élémentaire : plus de spectacle, même si c’est au prix d’un peu moins de vitesse.

Ce n’est donc pas la vitesse qui importe, mais l’intervalle entre les monoplaces, la compétition sur la grille. Plutôt que de rechercher à rendre à tout prix les monoplaces plus rapides, un règlement devrait plutôt chercher à favoriser la convergence des performances, seule à même d’assurer une compétition relevée sur la piste.

Qu’une écurie ne puisse plus tant dominer comme Mercedes, Red Bull ou Ferrari l’ont tant fait par le passé, et alors, une véritable course aux victoires, indécise et – tiens tiens – spectaculaire se tiendrait chaque week-end. Ainsi que le pense Bernie Ecclestone, à qui importe tant le spectacle en F1, "dès que nous ne divertissons plus les gens, nous sommes en danger. Les gens aiment la course automobile. Je crois que notre plus gros problème est que tout le monde sait qui sera sacré Champion du Monde cette année. Ce n’est pas une bonne chose. Les gens aiment regarder la course automobile, ou tout autre sport, mais ils ne veulent pas savoir qui va gagner avant même le début de la compétition". Plus de performance n’amène donc pas forcément plus de spectacle. Les Formule E sont bien moins performantes qu’une F1, et pourtant, le suspense et le spectacle auront été au rendez-vous.

Confondre attaque maximum et possibilité de dépassements : attention à la mauvaise surprise ?

Le deuxième présupposé bancal sur lequel semble s’appuyer le règlement 2017 concerne cette fois-ci l’attaque maximum. Le règlement veut favoriser le nombre de dépassements et permettre aux pilotes d’attaquer davantage sans craindre de trop éprouver leurs pneumatiques. De même, une voiture devrait être dans le sillage d’une autre sans abîmer ses pneus ou perdre trop en performance aérodynamique. Mais n’y a-t-il pas là une contradiction ?

Certains pilotes ont déjà soulevé un hic : une augmentation sensible des niveaux d’appui (nécessaire à la progression des temps au tour) devrait rendre plus difficile encore le suivi d’une autre voiture. C’est le cas de Lewis Hamilton (déclaration de février 2016) : "Je crois que nous avons besoin de plus de grip mécanique et de moins de grip aéro, afin de suivre les voitures d’assez près et de les dépasser. Donnez-nous cinq secondes de mieux par tour grâce à l’aéro et rien ne changera, nous piloterons juste plus vite."

Légitimement invité à réagir sur de telles inquiétudes, Charlie Whiting n’a pas été des plus rassurants. Le directeur de course de la FIA assurait il y a quelques semaines avoir tenu "un nombre incalculable de réunions avec les directeurs technique de chaque équipe" pour trouver un compromis acceptable : l’augmentation des performances générales proviendra finalement pour moitié du grip mécanique, et pour moitié du grip aéro, ce qui est moins pénalisant pour le suivi des voitures. Pour Charlie Whiting ainsi, "l’une des choses dont nous avons parlé tout au long [du processus] concerne le fait que nous ne devons pas rendre plus difficile la poursuite d’une autre voiture, et ça a été un véritable principe de base. Je crois que nous avons fait du mieux que nous pouvions, compte tenu du fait que nous devons prendre en compte le point de vue de chacun."

Charlie Whiting assure donc avoir fait "de son mieux"... mais n’affirme pas encore à 100 % que les dépassements seront facilités. Eric Boullier, le directeur de la compétition de McLaren, a cependant rappelé de son côté que les pneumatiques généreraient aussi plus d’adhérence, ce qui devrait faciliter les dépassements et le suivi des voitures. Le Français estime qu’il y aura "5%" de dépassements en plus. Et d’argumenter : "L’aileron avant aura moins d’influence en 2017, tandis que le fond plat et le diffuseur permettront aux pilotes de se dépasser plus facilement. L’an prochain, l’appui retrouvera son importance d’autrefois. Selon moi, il n’y a aucune raison de s’inquiéter au sujet de la future réglementation."

Là encore, le risque est pourtant de confondre attaque maximum et spectacle. Que les pilotes puissent davantage chacun attaquer, soit. Mais si les monoplaces ont des performances sensiblement dissemblables d’une écurie à l’autre, alors, le spectacle ne sera pas au rendez-vous. Egaliser les performances des monoplaces, comme en GP2, est impensable pour les constructeurs engagés en F1. Ce serait cependant la meilleure des idées pour rendre les courses spectaculaires et savoir qui est vraiment le meilleur pilote sur une saison. A défaut, favoriser la convergence des performances devrait être la priorité de tout promoteur de la F1 – et non augmenter les performances ou la difficulté physique de la conduite. Quel spectateur s’en soucie réellement au premier chef ? Si la F1 veut retrouver son aura d’antan, elle n’a pas besoin de sueur, mais de spectacle !

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